Loi contre l'obsolescence programmée : quels résultats ?
11 juin 2025 par Thierry Philippon

L'obsolescence programmée. Chacun connaît cette expression un peu inquiétante qui désigne les matériels et logiciels électroniques pouvant tomber en panne ou devenir obsolètes bien trop rapidement. Une défaillance orchestrée par le fabricant. Un sujet que nous avons déjà évoqué ici à magazinevideo concernant l'Indice de réparabilité des produits et aussi ici à propos de l'affaire Epson.
Une certitude, en France, l'obsolescence programmée est un délit, puni de 2 ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende. C'est l’article L. 441-2 du Code de la consommation qui le stipule : Est interdite la pratique de l'obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques, y compris logicielles, par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d'un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie.
Défini en 2015, il y a tout juste 10 ans, ce délit est français... et unique au monde. Il s'est accompagné par la création d'une association - Halte à l'obsolescence programmée (HOP) - en lutte contre ce fléau. Le 6 Juin dernier, un colloque, conduit par la sénatrice Ghislaine Senée a permis de donner la parole à des experts et des élus et de faire un point indispensable sur ces dix années passées.
Constat de taille, la loi s'est peu ou pas appliquée en termes de condamnation. En 10 ans, on dénombre seulement quatre procédures juridiques qui ont peu ou pas abouti. C'est ce que reconnaît Laetitia Vasseur, déléguée générale de l'association HOP... Même les affaires les plus retentissantes, celle de 2017 contre les imprimantes Epson, celle de 2024 contre HP pour obsolescence programmée des cartouches d’encre, sont restées pour le moment au stade de l'enquête ou du dépôt de plainte. Seule l'affaire de l'obsolescence logicielle d'Apple en 2022, a condamné le géant californien à verser une amende de 25 millions d’euros. Mais la DGCCRF a conclu un accord avec la marque à la Pomme pour la requalification juridique de la sentence pour des "pratiques commerciales trompeuses par omission" et non pour "obsolescence programmée".
A chaque fois, la même difficulté : établir des preuves techniques et encore plus, des preuves d'intentionnalité. Le tout sur fond d'une question complexe : quelle est la durée de vie normale d'un appareil ? Autre obstacle, un fabricant (d'ordinateur ou de portable) peut imposer des mises à jour qui rendent son produit caduque en 5 à 10 ans du fait de son inadaptation. On se souvient du passage de Windows 10 à Windows 11 qui a conduit des millions d'ordinateurs à une obsolescence prématurée. Actuellement, la loi limite ce type de mise à jour à cinq ans, c'est bien trop peu.
Malgré tout, des plaintes ont pu être déposées contre des grandes firmes de la tech, et c'est déjà un pas de géant : ainsi Apple s'est vu accuser en 2017 de politique commerciale trompeuse par la DGCCRF et l'association HOP. Les faits concernaient la grande difficulté de remplacer sa batterie Apple par une batterie générique ou même d'occasion, contraignant particuliers ou réparateurs indépendants à s'approvisionner au prix fort chez Apple. Le scandale a d'ailleurs contraint la marque à la Pomme à réagir sous la forme d'un geste commercial pour apaiser le mécontentement des clients.
Globalement, le bénéfice de cette loi est que les actions diverses ont permis d'avancer. Par ailleurs, la lutte contre l'obsolescence programmée et le combat de HOP n'ont pas été vains : car l'association a pu participer aux fameux indices de réparabilité et de durabilité, et assuré de sa présence (que l'on imagine pertinente) au sein du Conseil national de l’économie circulaire (CNEC) pour allongement de la durée de vie des produits. Et en 10 ans, deux mots se sont peu à peu glissés dans les esprits : durabilité et sobriété. Dernier avatar de cette tendance : le bonus à la réparation, encore insuffisamment sollicité par les particuliers, puisqu'il ne ponctionne que 30% seulement de l'enveloppe allouée.
HOP défend par ailleurs l’extension de l’article 142-2 du Code de l’environnement, afin qu’une association agréée de protection de l’environnement puisse se constituer partie civile pour des infractions liées au délit d’obsolescence programmée. Ce qui permettrait d’intervenir dans la procédure, et de prendre directement part à un éventuel procès.
Bref, le combat de HOP reste encore ambitieux pour les années à venir...
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