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La vidéo de château, façon drone !

entretien avec Philippe Croom

 

09 janvier 2016 par Philippe Croom / entretien Thierry Philippon

 

philippe croom

Des amateurs se découvrent une passion pour le filmage à partir d'un drone. Quelles difficultés rencontrent-ils ? Quel matériel choisissent-ils et pourquoi ? Comment améliorent-ils le résultat au montage ? Et quels sont leur thèmes de prédillection, leur approche "scénaristique" ? Pour le savoir, Philippe Croom, amateur déjà expérimenté en vues aériennes de châteaux, et membre du Forum de magazinevideo, nous a fait le plaisir de répondre à quelques questions sur cet art aérien difficile qu'il maîtrise déjà plutôt bien.


 


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L'ÉQUIPEMENT

 

Magazinevideo : Vous filmez en GoPro Hero 3 avec le système de fixation Zenmuse H3-3D. Qu’est-ce qui justifie à vos yeux le choix de la GoPro ou de ce système de fixation ? Avez-vous fait des essais avec d’autres systèmes auparavant ?

Philippe Croom : Pour les scènes aériennes, j'utilise une GoPro 3 Black, quand j'ai acquis le drone (un DJI Phantom2), seuls les modèles GoPro 3 étaient compatibles avec le Zenmuse H3-3D. D'autres marques pouvaient s'adapter mais n'offraient pas les caractéristiques techniques que je souhaitais. Le choix de la nacelle a été fait en raison de sa qualité de stabilisation. Je n'ai pas essayé d'autres matériels, j'ai mon drone depuis 1 an et mon achat a été dicté en fonction de ce que je voulais faire. Une de mes contraintes était de ne pas se tromper pour ne pas remplacer le matériel.


 


MV : Ralentissez-vous certaines vues au montage ?

P.C. : Oui, pour deux raisons principalement. La première est que le drone est une machine qui vibre énormément et ces vibrations sont transmises à la caméra. Même avec des hélices équilibrées, dès qu'il y a des moteurs, il y aura des vibrations. Il y a des systèmes qui amortissent mais qui sont très sensibles à la température, c'est un véritable casse-tête et le résultat n'est pas prévisible. Ralentir les scènes va atténuer ces défauts. La deuxième est que parfois, pour que les images soient "raccord" avec la musique, il faut changer la longueur de la scène, le ralentissement est un moyen commode pour y arriver.


Généralement, pour conserver une qualité acceptable, je ne dépasse pas 50% de ralenti. Au delà, il y a présence parfois d’artefacts générés par l'interpolation d'images. Sur la vidéo du château de la Roche, 4 scènes ont été ralenties (1 aero et 3 au sol).


Côté étalonnage, l'image source étant déjà très cinégénique, je n'ai eu qu'à ajuster les balances et niveaux sur Première Pro CC, pour coller au mieux à l’image (assez froide) que je souhaitais pour le film.


drone châteaux

MV : Comment stabilisez-vous aussi parfaitement vos vues ?

P.C. : Dans un premier temps les scènes sont filmées à l'aide de nacelles 3 axes. Dans un second temps, l'informatique ajoute encore plus de stabilité, soit avec Adobe Premiere, soit avec Mercalli (le logiciel de stabilisation de Prodad). Les rushs étant en 2,7k, la phase de stabilisation est effectuée à cette résolution pour un rendu final en 1080p.


 


MV : Quelles difficultés techniques liées aux drones en général (ou à votre drone en particulier) avez-vous rencontrées ?

P.C. : Mon drone est un ancien modèle (par "ancien", cela veut dire plus d'un an...) et le retour vidéo n'est pas fiable à 100%, parfois les coupures de retours d'images sont assez gênantes. Ce problème est maintenant limité car j'ai modifié la position de l'émetteur ainsi que de l'antenne. Un drone c'est très réactif dans ses mouvements, et l'image à horreur des mouvements rapides, pour éviter ce souci, j'ai modifié ma télécommande qui divise par 5 ou 10 les vitesses de rotation et de déplacements. Avoir un drone, c'est chouchouter sa machine et ne pas avoir peur de se remonter les manches pour la modifier dans un soucis d'amélioration (par exemple j'ai aussi modifié la portée de la télécommande en remplaçant l'antenne d'émission ou blinder le récepteur GPS). Les modèles commercialisés à ce jour ne présentent plus aucun des désagréments cités.


 


MV : Pour les vues au sol, quel matériel utilisez-vous ?

P.C. : Pour les scènes au sol, j'utilise aussi une GoPro 4 Silver montée sur une nacelle à main feiyu G3. J'ai aussi pour les prises au sol d'utilisé un APN Sony HX9V monté sur une nacelle de ma construction. J'ai arrêté cette configuration car la résolution est limité au 1080P, ce qui interdit le recadrage sans perte de qualité.


 


MV : De combien de minutes de rushes disposiez-vous pour ce film de 4 minutes environ ?

Philippe Croom : Prises aéro : 16mn en 2 prises. Prises au sol : 6mn en 17 prises.


 


MV : Avec quel matériel montez-vous ?

P.C. : J'utilise aujourd'hui un PC assez musclé acheté d'occasion sur un site bien connu, mais j'ai aussi monté avec un PC portable. C'est un élément à ne pas négliger pour faire une vidéo, et choisir des éléments adaptés au logiciel de montage réclame une recherche assez conséquente. Coté logiciels, j'utilise Adobe Premiere ainsi que quelques applications de ProDad.


chateaux drone

 

LA RÉALISATION

 

MV : Vous avez filmé plusieurs châteaux. Est-ce qu’il y parfois des difficultés spécifiques avec certains monuments ?

P.C. : La végétation est parfois abondante et pour les prises au sol certains angles de vue intéressants sont bouchés. Les bâtiments ayant plusieurs centaines d'années, les chutes de pierres sont un risque à considérer même si les sites sont sécurisés. Certaines fois, il n'y a pas de route pour aller sur le site, c'est donc à pieds qu'il faut s'y rendre en transportant tout ce qui sera nécessaire.


 


MV : Quelles sont les relations avec les propriétaires des châteaux ou les associations qui les soutiennent ?

P.C. : Je dois dire que l'accueil est toujours au-dessus de mes espérances. Les gens que je contacte ou que je rencontre sont de véritables passionnés d'histoire et de vieilles pierres. Tout comme moi, elles ont le désir que le projet que je propose aboutisse et ne sont jamais avare de détails historiques ou architecturaux. Après avoir fait des recherches sur internet pour sélectionner un site, je contacte les personnes pouvant me donner l'accès, par la suite je choisis la date en fonction des prévisions météo. Je donne toujours l'accès à la vidéo à ces personnes et mon cahier de terrain est bourré d'adresses e-mail !


 


MV : Recevez-vous des consignes de sécurité ou des demandes particulières de la part des propriétaires ou des associations ?

P.C. : A dire vrai, c'est moi qui m'impose des consignes au regard de la réglementation, j'attache une grande importance au respect de la vie privée et à la sécurité liée au vol du drone.


 


MV : Effectuez-vous des repérages ?

P.C. : Oui, le repérage est effectué juste avant les prises de vues, je consacre un peu de temps pour faire le tour et pour jauger les contraintes comme par exemple la présence de personnes ou d'animaux, la présence d'obstacles en hauteur, etc... . J'étudie aussi toutes les photos que je peux trouver sur internet. Je crois qu'un sujet préparé donne une idée plus précise du scénario à mettre en oeuvre le jour où l'on est sur place.


 


MV : Est-ce difficile pour un amateur (vous en êtes un) de pratiquer le drone ? Quels conseils pourriez-vous donner ?

P.C. : C'est difficile parce qu'il n'y a pas d'école pour l'apprentissage du vol et comme le matériel est onéreux, il faut éviter tout comportement "casse-cou". Tout est acquis par autoformation sur le terrain et en étudiant beaucoup de documentation. Les conseils que je pourrais donner sont par exemple de ne pas aller au-delà de ce que le bon sens nous impose. Connaître la réglementation et ne pas considérer que c'est une entrave à son loisir mais bien une chose essentielle pour les autres et pour soi. Ne pas hésiter à demander conseil à des personnes plus avancées dans le domaine.


Pour la pratique de prises de vue, avoir un matériel en état irréprochable et préparer son vol, ce qui inclue de consulter les cartes aéronautiques qui définissent les interdictions et les plafonds maxi de hauteur de vol.


 


MV : Vous posez-vous la question de diversifier les points de vue du château ? Avez-vous un « scénario » en tête dès le départ ? Par exemple, dans la vidéo du château de la Roche, vous commencez par des vues de la Loire, puis vous amenez le spectateur vers le château au bout d’une minute.

P.C. : Je propose dans mes vidéos une découverte d'un site, ce que je souhaite c'est de capter l'attention du spectateur pour qu'il le découvre lui-même, et pourquoi pas pour qu'il trouve les réponses à ses questions. Les châteaux ne sont pas simplement des bâtiments qui ont une architecture similaire, ils font partie de l'environnement où ils sont, tout le système de défense est adapté à cet environnement. Dans le cas du château de la Roche, sa position n'est pas en surplomb, c'est parce que l'on chemine sur la Loire que l'on découvre que c'est un point de passage obligé sur le fleuve. La fonction de ce château n'est pas une forteresse abritant un quelconque seigneur, mais une sorte de péage pour tout bateau qui passerait par ce point.


 


MV : Avec les prises de vues en drone, on bénéficie de beaux-plans séquences très lents, ce qui contraste avec le rythme effréné et parfois syncopé, de certains films sportifs réalisés avec des actioncam. Cherchez-vous à jouer avec ces beaux plans-séquences ?

P.C. : Ce qui est indéniable, c'est que les vues aériennes dépaysent complètement le spectateur. A moins d'être un oiseau, notre regard découvre chaque image avec une curiosité qui force l'envie de regarder. C'est pourquoi j'utilise une alternance de vues aériennes et au sol pour essayer de garder l'attention du spectateur. Avec une touche de musique adaptée au mouvement, je tente de composer une alchimie qui donne une cohérence à la vidéo. J'en suis encore bien loin mais à force d'essais, je progresse doucement et c'est pour moi un véritable plaisir.


 


MV : Des projets ?

P.C. : Oui, bien sûr ! J'ai déniché un château en Bourgogne en cours de réhabilitation et je suis tant impressionné par le site que j'ai vraiment envie de réussir cette vidéo. Après contact avec les responsables locaux, je suis même allé faire quelques prises pour travailler le sujet, je dois y retourner quand le temps sera propice. Coté matériel, j'ai planifié des investissements pour obtenir une meilleure qualité à la prise de vue.


Propos recueillis par Thierry Philippon. Captures d'écran et vidéo : © Philippe Croom


philippe croom

Pour voir les autres vidéos de Philippe Croom, visitez sa chaîne YouTube


(La vidéo de château, façon drone !)

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